Le 6 décembre 1801, un Saxon, ancien militaire sous les drapeaux de George III d’Angleterre, de Frédéric II de Prusse, de Catherine II de Russie, puis correcteur chez le fameux éditeur Göschen, met à exécution son projet de parcourir l’Italie, prétendument en vue d’aller lire sur place, à Syracuse, Théocrite, l’un de ses poètes favoris. Le récit de cette expédition pédestre sera, dès sa parution en 1803, l’une des relations de voyage les plus populaires d’Allemagne. La traversée des Alpes enneigées au cœur de l’hiver, de régions inondées en Italie du nord ou dans les Marais Pontins, la peur omniprésente des brigands et leur rencontre, les démêlés avec les aubergistes, les scènes de carnavals, les aventures burlesques en Sicile, l’ascension de l’Etna et du Vésuve, les passages sur les champs de batailles récentes, et tant d’autres épisodes palpitants ont séduit des générations de lecteurs. Ce récit est, aussi, le témoignage d’un tard venu des Lumières, intransigeant sur les principes d’égalité et de justice. C’est à cette aune qu’il jauge les contrées qu’il traverse, la misère des populations qu’il côtoie, l’impéritie des puissants qu’il condamne. D’où ces réflexions d’ordre politique, social ou religieux dont la hardiesse stupéfia les premiers lecteurs d’autant plus que ce voyageur n’hésitait pas à s’en prendre au césarisme de Bonaparte, à la politique du Premier consul en Italie, en France et en Allemagne. Seume sait aussi confier à ses lecteurs les émois de l’humaniste amoureux de l’histoire ancienne, des belles lettres, des beaux-arts, du théâtre et de la musique, voire glisser dans son texte, de-ci, de-là, une touche d’érudition. En somme, à cette relation de voyage pourrait s’appliquer le jugement formulé par le poète allemand Hebbel à propos du Faust de Goethe : « C’est un ouvrage dont le charme séduit les masses autant que les classes cultivées. »