Voyage. Les matins de départ se ressemblent toujours. Quelle que
soit la destination, une sorte de rêverie énervée s'installe. Le regard
traverse les choses familières. Nous les avons déjà quittées. Le pain
beurré n'a plus le même goût. Même le jeu de la petite cuillère, qui, chaque
matin, renvoie en miroir les contours édentés des feuilles du palmier de la terrasse,
n'amuse plus. Les images présentes ont disparu. L'instant s'est raccourci en une curieuse
sensation, une jubilation et une inquiétude sourdes qui donnent une densité au
temps anormale. Nous partons. Nous partons pour des îles. Nous prenons un
bateau. Et dans cette pensée s'étalent bien des possibles et bien des images.