Fiction ou essai, récit de voyage ou improvisation sur le be-bop,
technique d'écriture ou souvenir d'enfance, blonde rencontrée
sur le bord de la route ou lecture fiévreuse de Céline, la «prose
spontanée» de Jack Kerouac abolit les genres, emballe la musique
des émotions, perce «le secret de la langue parlée» et entend
bien être «la seule façon d'exprimer la vitesse et la tension, et les
niaiseries extatiques de l'époque». L'emblématique mot Beat, qui
avait commencé par claquer comme un cri de guerre lancé contre
une Amérique conquérante mais aphasique, puis s'était transformé
en cri de ralliement de la grande famille hippie nostalgique,
n'aura été en somme qu'un murmure seulement adressé à
Kerouac : «À Lowell, je suis allé dans la vieille église où je fus
confirmé et je me suis agenouillé, et brusquement j'ai compris :
"beat veut dire béatitude, béatitude".» Cette béatitude qui
triomphe de l'horreur de Kerouac face à la bêtise fournit huit
bonnes raisons de publier ces textes inédits : opulence formelle,
violence délétère, allégresse inconsolable, plénitude inique,
cruauté, impureté, belligérance calculée, injustice garantie.
P. G.