À la recherche des «images de pensée» (Denkbilder), Walter Benjamin instaure
un procédé efficace de correspondance entre rêve et architecture, une idée qu'il
tenait du surréalisme. On a pu parler d'oniromancie à l'envers, car son point de
départ est materiel : il part des choses, des objets, des lieux, des endroits, des
atmosphères pour mettre en lumière leurs qualités irrationnelles. Une telle théorie
décrit précisément les relations fantastiques se créant par l'assemblage d'articles
luxueux, d'objets d'art anciens, de pièces de collection, de bibelots passés de mode,
de colifichets frivoles, de fragments dépareillés, d'images surannées, ou encore
d'instruments tombés en désuétude. Tout cela forme un milieu peuplé d'objets et
de gens, capable d'engendrer un paysage onirique et conduisant à une expérience
agoraphobique, intériorisée. Ici, le spectateur est à la recherche du temps perdu, et
les objets sont comme des alambics filtrant la durée. Procédant à la radiographie
de la «maison de rêve» (Traumhaus), Benjamin offre un catalogue précis des
meubles oniriques qui en hantent les espaces clos.