Esthétiques
Cherchant à mettre en place de véritables passages entre Walter Benjamin et Pier Paolo Pasolini, cet ouvrage fait entrer les deux oeuvres dans un profond rapport de résonance, tout en respectant la singularité de chacune. Si le dispositif emporte par conséquent les deux pôles vers un devenir-autre, il évite cependant tout processus d'amalgame, en recourant à la mise en place de problématiques communes, qui permettent le déploiement d'un plan au sein duquel jouent les écarts comme les affinités entre Benjamin et Pasolini - plan dessinant ainsi les linéaments d'une « grande identité » à venir. C'est essentiellement à partir de la question du langage que s'est révélé le nouage le plus profond entre les deux oeuvres, les résonances les plus marquantes qui se feront ensuite jour, en dérivant d'une façon ou d'une autre - qu'il s'agisse de la question du cinéma, de celle de l'origine, ou encore de l'histoire elle-même.
Consacré à Walter Benjamin, ce volume propose un parcours au sein de son oeuvre, qui soit susceptible de mettre en place les problématiques au moyen desquelles les deux pôles du dispositif pourront en effet consoner. Le caractère non nostalgique de la philosophie de l'histoire, chez Benjamin, s'énonce dès les réflexions relatives au langage, puisque la « langue pure » des origines serait à appréhender à travers ses échos au sein des traductions, c'est-à-dire dans les langues post-babéliennes - le motif messianique ainsi introduit annonce donc déjà que l'origine est toujours à venir, aucunement à restaurer (seul le temps serait ici à restaurer). La possibilité d'écrire une histoire des vaincus ne sera dès lors susceptible d'être pensée qu'à la lumière d'une reviviscence du passé, et non de sa simple évocation, la remémoration visant en effet à faire revenir ce que jamais on n'a vécu. Par conséquent, ce n'est pas une simple question de contenu qui est ici en jeu, puisqu'une telle histoire ne peut qu'être tributaire d'une certaine forme de transmission : il y a des manières de transmettre qui, en elles-mêmes, sont catastrophe, monumentalisant le passé, quand il s'agirait de s'ouvrir au passé en sa faiblesse.