Les We, longtemps désignés sous d'autres dénominations (Guere, Wobe, Kran), vivent de part et d'autre de la frontière qui sépare la Côte d'Ivoire du Liberia. Ils sont donc perçus dans les deux pays comme habitants des confins, « périphériques ». Pour les We, dont le nom signifie « Les Indulgents », la famille se situe au centre de la vie sociale. Un patriarche, également responsable des cultes, administre les affaires du clan, supervise les rites, contrôle les cérémonies. Mais le privilège des We est de s'imposer comme une « civilisation de masques », à la différence d'autres sociétés, comme les Ashanti du Ghana, qui n'en possèdent pas. Par leur refus du réalisme et par leurs formes audacieuses, ces masques, très tôt connus en Occident, ont fasciné, au début du XXe siècle, certains artistes européens. Il n'est pas surprenant que Pablo Picasso se soit inspiré de certaines compositions saisissantes, notamment de leurs yeux protubérants. Ces nombreuses traditions de masques, riches et diversifiées, qui ont aussi influencé l'art des peuples voisins (Dan, Grebo, Bete), sont envisagées comme la clé de voûte esthétique d'une importante aire culturelle, un fondement créatif qui défie toutes les frontières imposées par les cartographes coloniaux.