Dans l'Allemagne et la Russie de la première moitié du XXe siècle se joue l'avenir du monde. Au coeur de ce maelström, un homme, Willi Münzenberg, occupe une place capitale. Méconnu en France, cet « artiste en révolution », qui défia Hitler comme Staline, méritait ce document exhaustif.
Willi Münzenberg naît à Erfurt en 1889, sous l'Empire germanique. Pacifiste durant la première guerre mondiale, il rejoint les spartakistes de Rosa Luxembourg. Puis, en 1922, Lénine lui confie la propagande de l'Internationale Communiste. Münzenberg invente alors la communication politique de masse.
Dans « l'âge d'or » de la République de Weimar, Willi devient le « milliardaire rouge », honni de l'extrême droite allemande. À la tête d'un gigantesque groupe de presse et d'édition, il révolutionne les médias, il crée les premiers magazines populaires de photographie et de cinéma, il ouvre des studios, il produit et distribue des films, il finance théâtres et opéras. Otto Dix et Sergueï Eisenstein, Bertolt Brecht et Kurt Weill composent son entourage.
Après l'incendie du Reichstag en 1933, Münzenberg s'exile à Paris. Avec ses amis, Arthur Koestler, Manès Sperber, Paul Nizan et tant d'autres, il met au point le Livre Brun, un réquisitoire contre la terreur antisémite et le nihilisme national-socialiste immédiatement traduit dans dix-sept langues. Göring qualifie Münzenberg de « premier ennemi du Reich » !
Mais Willi Münzenberg ne s'arrête pas là. Écoeuré par le pacte germano-soviétique, l'ancien maître de la propagande de l'Internationale Communiste s'oppose désormais à Moscou ! Il écrit : « Staline ! Le traître c'est toi ! » dans son hebdomadaire, Die Zukunft. Précurseur, il fonde également l'Union franco-allemande, qui se donne comme objectif de constituer une Europe unie, fédérale et démocratique.
Interné par le gouvernement français parmi des milliers d'exilés antifascistes alors que la Wehrmacht menace le pays, Willi Münzenberg est assassiné par des agents staliniens dans une forêt d'Isère en juin 1940. Il paie de sa vie l'audace de s'être opposé aux deux totalitarismes de son siècle.