Wittgenstein en héritage
Philosophie de l'esprit, épistémologie, pragmatisme
« La philosophie a perdu son aura » déclare Wittgenstein à ses étudiants de Cambridge en 1930, au moment même où Walter Benjamin évoque la perte d'aura de l'art. Il s'est produit selon le philosophe viennois une « torsion » dans l'histoire de la philosophie, qui se trouve coïncider avec l'avènement de ces Temps Modernes auxquels il ne souscrit qu'avec résignation. La nouvelle philosophie a selon lui le même rapport avec l'ancienne que la chimie avec l'alchimie, car il existe dorénavant une méthode philosophique, un savoir faire bien délimité, et du même coup des philosophes « de métier ». Cette professionnalisation est en même temps une « réduction » : « Philosophy is now being reduced to a matter of skill », et, ajoute-t-il avec une tonalité à la Spengler, « c'est un phénomène caractéristique d'une époque de culture déclinante ou sans culture » ; en effet « une fois la méthode trouvée, les possibilités pour la personnalité de s'exprimer sont corrélativement restreintes ».
Pourquoi Wittgenstein est-il si ambivalent sur cette philosophie désenchantée, modeste, déflationniste, des Temps modernes, qui est aussi en partie la sienne ?
Plus que jamais, donc, il nous faut nous poser la question, non de l'héritage laissé par Wittgenstein - il est immense -, mais de la bonne façon, pour nous, d'en hériter.