Dans les années 1960, aux États-Unis, des entrepreneurs chrétiens se
sont élevés contre un capitalisme qu'ils jugeaient inhumain, et ont bâti des
entreprises dont le mot d'ordre était la compassion : compassion vis-à-vis
de la terre-mère saccagée pour des bénéfices immédiats, vis-à-vis de l'être
humain exploité pour le bien-être de quelques-uns. Ils voulaient ramener
les valeurs d'amour, de respect, d'entraide du christianisme au coeur de
leur management, sans remettre en cause l'idée de profit. Le protestant
américain n'a-t-il pas toujours vu dans la réussite le signe de l'élection
divine ?
Le marketing relationnel de multiniveaux est né de cet idéal chrétien,
avant de se répandre à travers le monde où il s'est transformé, délaissant
parfois l'héritage protestant au profit d'autres idéaux - religieux ou non. Il
est aujourd'hui en plein essor, bien que peu connu en France. Il s'agit d'un
mode d'organisation de la vente directe qui permet aux vendeurs de recruter
d'autres vendeurs et d'être en partie rémunérés par une commission sur les
ventes des recrues. Des réseaux de distributeurs se forment de la sorte et se
développent sur la scène internationale, en particulier dans les périodes de
crises économiques.
Le multiniveau permet d'aborder bien des questions qui se posent
à nos sociétés : construction des identités, mondialisation des
échanges, transnationalisation des réseaux, engagement dans le monde
entrepreneurial, liens entre le monde entrepreneurial et le religieux. Pour
Nathalie Luca, il est une entrée surprenante et passionnante pour construire
une anthropologie du Croire.