Cretois, Ilias est sourd, et muet, comme sa mère, avec qui il partage une maison basse, badigeonnée de chaux, bâtie aux confins de l'Est insulaire entre les collines couvertes d'oliviers et la côte. Sa mère est dedans sans sortir, il est dehors tout le jour, à réparer des épaves, des camions exténués venus échouer au pas de la mer - c'est son métier par défaut - et la journée achevée, Ilias treuille sa barque, se prête aux cabotages dans les criques dont il connaît chaque recoin, chaque falaise et secret, sinon un : le bruit du vent qu'à force ou à raison il associe au toucher, jusqu'à l'entendre.
Dans un huis clos à ciel ouvert, Ilias le sourd se livre à un corps à corps patient avec la matière, les objets,
avec les poissons tirés de l'eau et les éléments ; sa mutilation sensorielle l'entraîne dans un échange avec sa mère
aussi ténu que profond, fait de gestes et de rituels dont la beauté - portée par la précision éblouissante
de l'écriture - surprend par son ingénuité et son extravagance.