Yves Lévêque est tant et si bien dans son élément qu'il s'y
vautre plus que jamais et à n'en plus finir, griffant et confondant
les ciels comme les labours ; il jouit de cette pâte odorante,
l'étale et la touille, comme en aveugle. Répandues au sol et
abandonnées sur le long plan de travail, se chevauchant en
de surprenantes copulations, les petites peintures sur papier
sont les gammes sombres et vives de cette symphonie pastorale,
boueuses et griffées, traversées soudain de la lueur sous-jacente
des foulées régulières au long des sentes. Yves Lévêque retrouve
alors inconsciemment, dans les multiples dimensions de ses
supports, le toucher des extraordinaires paysages en monotypes
que Degas réalisa après un voyage en Bourgogne en octobre 1880
et qu'il voulut exposer dans sa première exposition personnelle
chez Durand-Ruel en 1892. Comme le Robinson de Michel Tournier,
il s'enfouit dans ce terroir pour se retrouver comme intact de
toute nostalgie et dresser encore inlassablement l'inventaire de
sa joyeuse plongée :
«Terres franches (riches en eau et plutôt faciles à travailler)
Terres éveuses ou gâtines (trop humides comme les noues,
terres noyées)
Terres cravantes ou graviotteuses (pierreuses)
Terres noires, terres rouges, terres amoureuses (collantes)
Terres chaudes (sols secs), Terres froides (riches en argile)
Terres douces (fertiles et siliceuses) et Terres fortes (difficiles
à labourer)».
Germain Viatte
Avril 2007