Seul le présent est réel.
Dans l'espoir vain de construire
une cohérence à la légende de
nous-mêmes, nous n'avons du
passé que la mémoire du récit
que nous nous efforçons de faire,
de défaire et de refaire. Un récit
dans le fil des ans, que nous essayons
de rendre le plus intelligible possible. Il
en va de notre identité qui ne saurait souffrir
d'incohérences prononcées. Quant à l'avenir, à l'aune
d'une hypothétique espérance de vie toujours repoussée, il
prend tout son sens dans la projection de notre imaginaire sur
la flèche du temps qui cherche sa cible.
Vivre, c'est conjuguer en permanence notre existence aux
temps passé, présent et futur, sur un territoire socialement et
économiquement situé que nous tentons, tant bien que mal, de
partager avec nos contemporains.
Les temps modernes de la «retraite» sont ces moments
particuliers où se cristallisent les culpabilités de vieillir hors-champ
des utilités autres que celle de prendre du bon temps et
de vivre aux dépens supposés de ceux qui n'en sont pas encore
là. Certains s'en font toute une maladie pendant que d'autres
laissent filer des fragments de leur mémoire.