À travers Céline, la littérature
Céline est un grand écrivain, mais ce n'est pas un écrivain comme les autres. Il m'arrive aujourd'hui encore, en lisant un des « contre-Céline » qui se publient périodiquement, de me demander comment j'ai pu consacrer tant d'années à éditer et à explorer l'oeuvre d'un auteur aussi controversé et, en effet, aussi problématique. Peut-on continuer à admirer ses huit romans
quand on a lu les pages les plus terribles de ses pamphlets ? J'en faisais moi-même l'expérience comme tant d'autres lecteurs, toujours plus nombreux, puisqu'en cinquante ans Céline est passé de l'état de paria littéraire à celui d'auteur incontournable. Il y a une « question Céline » que seule peut éclairer une réflexion sur la littérature, son pouvoir, la valeur qu'on lui reconnaît
désormais. Mais, entre la proscription et la célébration de Céline, la littérature est devenue question elle aussi, du fait de nouvelles théories critiques qui niaient la notion même de création. C'est cette double interrogation qui a donné sens à ma longue fréquentation de Céline pour en faire, à tout prendre, quelque chose comme une aventure intellectuelle.