Les adolescents, en raison de leur entrée tardive dans l'adultité, de la déconstruction des rites sociaux d'initiation, de la nostalgie adulte de l'adolescence, sont à la peine, souvent, pour construire leur nouvelle identité et assumer leur nouveau corps. Les adultes ne reconnaissent pas en eux, le plus souvent, ce qu'ils ont été, confrontés qu'ils sont à des langages qu'ils ne comprennent plus, aux formes innovantes de communication numérique, à des comportements choquants voire inquiétants : rejet systématique de l'autorité, excentricités vestimentaires, choix musicaux, conduites à risque : imprudences sur la route, consommation excessive d'alcool ou de stupéfiants, hétéro- et auto-violence gratuites, tentatives de suicide, etc.
L'éthosémioticien s'efforce de mettre à distance la tentation de la démission sémiotique en s'attachant à donner du sens aux discours et comportements adolescents, et en en modélisant l'engendrement à partir du corps et du psychisme en mutation, les instances de base. Sont sollicités les acquis de la Sémiotique de l'École de Paris, mais aussi de la psychanalyse : ainsi, la découverte d'un puissant fantasme (celui d'auto-engendrement) éclaire-t-elle de manière originale le sens de bien des conduites apparemment insensées ouvrant de nouvelles perspectives de prévention et de thérapie.
Bien loin de noircir le tableau de l'adolescence actuelle, il s'agit certes d'en montrer les difficultés spécifiques, mais aussi de faire l'éloge de ses capacités créatives (ainsi en matière de langage), de valoriser la mise en oeuvre de moyens remarquables de résolution des tensions et des conflits : la découverte des fonctions profondes de l'écriture, l'usage bienveillant des réseaux sociaux, les échanges quasi-thérapeutiques entre adolescents dans les forums des sites dédiés en sont autant d'exemples convaincants.