Ainadamar. Au petit matin du 18 août 1936, non loin de Grenade, au lieu baptisé
«ainadamar» - la fontaine aux larmes -, Federico García Lorca est lâchement assassiné
par des phalangistes. Il meurt à l'âge de trente-huit ans, en compagnie de deux banderilleros
anarchistes et d'un instituteur, chacun de ces hommes à sa manière engagé
dans le renouveau républicain.
En de brefs et poignants chapitres, Serge Mestre retrace les sept dernières années
de leurs vies.
En 1929, Federico García Lorca embarque pour New York : il laisse ses amis et
ses tumultueuses amours, Dalí et Buñuel qui à ses yeux l'ont trahi, pour nourrir son
inspiration à la source de la musique des Noirs de Harlem. Cuba, Buenos Aires,
Montevideo seront les nouvelles étapes de ses voyages, sa réputation et ses succès
littéraires allant croissant. De retour en Espagne, quand, en 1931, la République a
chassé le roi, il prend la tête d'une troupe itinérante de théâtre, La Barraca, qui ira
jouer dans les villages les plus reculés.
Pendant ce temps, les deux banderilleros militent pour une autre utopie, la totale
refondation de la politique agraire du pays. L'instituteur, lui, se bat pour une école
publique prenant modèle sur celle de la République de Weimar.
Inspirée, joyeuse, libre, la prose de Serge Mestre - dont le roman, et ce n'est pas sa
moindre qualité, est un formidable hommage à l'oeuvre de Lorca dont il se nourrit -
parvient, à travers l'évocation de ces quatre destins, illustre ou anonymes, à rendre
palpable le souffle d'espoir et de liberté qui souleva l'Espagne avant qu'elle ne sombre
dans le silence.