La modernité viennoise, avec un raffinement rare et une violence surprenante, a profondément marqué notre siècle. Le questionnement intense auquel elle s'est livrée, à la fois d'un point de vue théorique mais aussi dans les oeuvres qu'elle a générées, constitue l'un des fondements du débat que nous menons encore aujourd'hui autour de la crise du langage et la validité des matériaux.
En musique, Arnold Schoenberg, Anton Webem et Alban Berg furent les figures emblématiques de cette modernité, extirpant l'écriture musicale hors du système tonal, hors des équilibres et des conventions qui formaient les cadres et repères du discours. Parmi eux, Alban Berg occupe une place singulière qu'il convient d'interroger à nouveau.
Par une conception de l'unité qui intègre l'hétérogène, par l'invention constante de processus compositionnels croisés, par une acuité exceptionnelle aux faits de langage et au matériau musical, l'écriture de Berg développe une narrativité spécifique qui, au fil des oeuvres, se réfléchit elle-même jusqu'à devenir problématique du sens, problématique à laquelle nous sommes toujours confrontés.
L'essai de Jean-Paul Olive, prenant pour centre la partition de la Suite Lyrique, plonge au sein de cette écriture pour s'efforcer d'en dégager le mouvement et rendre compte de l'immense réflexion sur les signes et le temps que constitue l'oeuvre d'Alban Berg.