En 1918, devant la défaite imminente, les huissiers
de l'Empire ouvrirent aux dirigeants sociaux-démocrates la porte si longtemps close et les
introduisirent, non sans arrière-pensées, dans
l'antichambre du pouvoir. Et voilà que les masses
se précipitèrent à l'intérieur, bousculèrent leurs
dirigeants et les entraînèrent jusqu'à la porte du
pouvoir lui-même. La social-démocratie semblait
enfin parvenue à son but. Alors ses dirigeants,
élevés malgré eux jusqu'au trône vide par la foule
de leurs partisans, n'eurent rien de plus pressé que
d'ordonner aux anciens gardiens du Palais de
mettre tout le monde dehors.
Sébastian Haffner raconte la trahison d'un peuple insurgé
par ses propres représentants : comment les Ebert, Noske
ou Scheidemann, déjà ralliés à l'union sacrée en 1914,
consomment la faillite définitive de la social-démocratie.
Appelés au pouvoir par le gouvernement impérial pour
prévenir une révolution, ils jouent sans faiblir leur rôle,
jusqu'à l'écrasement de la révolte de Berlin aux premiers
jours de 1919.