Alphagenre
Alphagenre arpente le sol du langage contemporain, les surfaces où s'enkystent les élevages de poussières lexicales d'aujourd'hui, à partir du constat que les « mots » sont une composante vitale de toute « des - mots - cratie ». Si la question de ce qui lie discours et société de contrôle est loin d'être nouvelle, elle nécessite d'être repensée à nouveaux frais et à la lettre. Changer d'échelle, saisir le « corps » érectile d'une lettre et la façon dont elle agit à même les corps, permet de contribuer à une approche anthropologique critique et de questionner l'interaction entre corps et langage, trop vite isolés comme relevant de disciplines étanches.
Alphagenre emprunte à Alphaville de Godard une part de son approche critique d'un enfermement à ciel ouvert. On se souvient de la mission de Lemmy Caution : « détruire l'ordinateur Alpha-60 et sauver ceux qui pleurent ». Ici, l'ordinateur est une lettre-énoncé ; celles-ceux qui pleurent sont invités à s'immuniser contre une langue nouvellement « genrée », placée sous le joug de la grande communicante qui verrouille les mots ici répertoriés : g, sa gangue, sa griffe hétéronormante. Alphagenre « répertorie » une langue de « pères », moins faite d'expressions (mauvais concept) que
d'excisions. « Il faut à la fois création et peuple », écrivait en 1990 Gilles Deleuze. Mais pas de « peuple » sans une communauté de mots énonçables, à bonne distance du pré-pensé et du pré-parlé. G comme hégémonie, gouvernance, visagéité, globalisation ou « genre », promesse émancipatrice en passe de devenir, par simplifications et omissions, l'exemple même d'une réimportation conceptuelle manquée.