Lorsque nous arrivâmes à l'Esmeralda, la plupart des Indiens revenaient d'une excursion qu'ils avaient faite à l'est, au-delà du Rio Padamo, pour recueillir des Juvias ou fruits du Bertholletia et la liane qui donne le Curare. Ce retour était célébré par une fête qu'on appelle dans la mission la fiesta de las Juvias, et qui ressemble à nos fêtes des moissons et des vendanges. Les femmes avaient préparé beaucoup de liqueurs fermentées ; pendant deux jours, on ne rencontrait que des Indiens ivres. Chez des peuples qui attachent beaucoup d'importance aux fruits des palmiers et de quelques autres arbres utiles à la nourriture de l'homme, l'époque de la récolte de ces fruits est marquée par des réjouissances publiques : on divise le temps d'après des fêtes qui se succèdent d'une manière invariable. Nous fûmes assez heureux de trouver un vieil Indien moins ivre que les autres et qui était occupé à préparer le poison Curare avec les plantes fraîchement recueillies. C'était le chimiste de l'endroit.