À vingt-trois ans, en 1912, Anna Akhmatova touche à la gloire lorsqu'elle fait paraître son premier recueil, Le Soir.
Elle y exprime l'ambiguïté des relations amoureuses avec un génie singulier, tout en ironie, en retenue qui fera d'elle une idole en Russie. Les recueils suivants affirment sa modernité, et sa popularité, jusqu'à ce que, en 1922, le régime la condamne au silence. Elle sera soumise à la censure jusqu'à sa mort en 1966.
Son oeuvre coïncide avec un siècle de fer et une vie marquée par l'assassinat de ses deux maris, la déportation de son fils, la mort violente de tous ses amis, de Mandelstam à Tsvetaïeva. Anna Akhmatova a chanté les crimes et la souffrance de masse dans des textes splendides, que ses proches doivent apprendre par coeur pour assurer leur pérennité, et permettre ainsi le triomphe de la poésie sur la barbarie.
« Si ses poèmes sont des poèmes d'amour, la tragédie collective qu'Anna Akhmatova traverse avec son peuple est le fil rouge de son oeuvre. Une tragédie qu'elle prophétise et traduit tout au long de sa vie... » De cette immense poète, qui est aussi une héroïne, et pour beaucoup une âme soeur, Geneviève Brisac dresse un portrait passionné, plein de vie, de force, de beauté.
« Anna Akhmatova, durant toute sa vie errante et dépouillée, a conservé sous son oreiller ou sur sa table de nuit un coffret qui contenait les seules choses qui comptaient à ses yeux, à l'exception d'un dessin de Modigliani, accroché au-dessus de sa tête, et des châles blancs de légende qui protégeaient ses épaules. Il y avait là tout son butin, sa vie hors les mots :
On ne saurait mieux condenser une vie. »