Ap. J.-C.
« L'Église orthodoxe célèbre aujourd'hui la mémoire de Laurent de Mégare, d'Éphraïm et d'Eugène. Je ne connais aucun des trois. Je suppose qu'ils ont vécu à la même époque puisqu'on les célèbre le même jour. Je les imagine au centre d'une arène romaine, en plein midi. Les saints meurent rarement dans leur lit, de vieillesse. Éphraïm, qui se tient au milieu, prend les deux autres par la main pour leur insuffler du courage. Ils ne paraissent pourtant nullement impressionnés par les rugissements des fauves qui sont cantonnés derrière une grille de fer. La plèbe s'impatiente. Les trompettes retentissent. César incline légèrement la tête. La grille s'élève peu à peu dans un long grincement. J'observe le spectacle à travers les fentes d'une porte de bois vermoulue. Les légionnaires ne me prêtent aucune attention en raison de mon jeune âge. Bientôt, je courrai porter les mauvaises nouvelles à la mère d'Éphraïm.
Sur le côté gauche de mon bureau se dresse une pile de livres consacrés au mont Athos, certains rédigés par des moines, d'autres par des historiens. Ce sont pour la plupart des ouvrages reliés, à couverture rigide, noire ou bleu sombre. Peut-être découvrirai-je en les lisant qui étaient Laurent, Eugène et Éphraïm. Je ne suis pas pressé de le savoir. J'ai déjà jeté un coup d'oeil à deux ou trois volumes, mais je n'en ai étudié aucun avec application, comme me l'a demandé ma logeuse, Nausicaa Nicolaïdis. »