J’avais vingt ans ; je revenais d’un long voyage eu Espagne et en Angleterre, entrepris sous la direction de mon précepteur, homme sage, modeste, ferme et éclairé. A mon retour à Serval, terre dans laquelle mon père s’était retiré depuis longues années, je trouvai ce dernier gravement malade ; je n’oublierai de ma vie le spectacle qui me frappa lors de mon arrivée.
Ce château, extrêmement retiré et dominant un chétif village, s’élevait solitairement sur la lisière d’une grande forêt ; c’était un vaste et gothique édifice de briques noircies par le temps ; son intérieur se composait de grands appartemens sonores, et peu éclairés par leurs longues fenêtres à petits carreaux ; nos gens portaient le deuil de ma mère, que j’avais perdue pendant mon voyage ; presque tous étaient de vieux domestiques de la maison, et rien de plus lugubre que de les voir vêtus de noir, marchant silencieusement dans ces pièces sombres et immenses, se détacher à peine de leur fond rouge ou vert foncé, couleur de toutes les tentures de cette antique habitation.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.