On n'a plus guère idée du succès connu par Loti chez ses
contemporains ; mais ce plus jeune académicien (qui n'a pourtant
rien d'académique) aurait vieilli, dit-on, victime en postérité d'une
écriture et d'une pensée tournées vers un souci constant : celui de
sa disparition. La renommée de Loti reposerait de son vivant sur un
malentendu. Loti l'enchanteur est d'abord enchanté de lui-même.
Or il a fini par s'abîmer dans son oeuvre, à la façon dont ce qu'il
représente, à son tour, est figé dans son image, et ne ressort pas
vivant mais désincarné. D'où non seulement les clichés mais aussi
les tombeaux tant chéris par un écrivain de la dernière heure et des
confins rebattus. Mais ces aspects de Loti viennent eux-mêmes à se
retourner. Les derniers moments sont les premiers. L'exotisme est
l'autre nom d'un quelconque ordinaire. Et surtout ceci, dans
l'espace et dans le temps, de lointain, par où Loti ne saisit la réalité
que pour mieux l'effacer. Si bien que, tout entier déjà dans l'irréel
et sur la fin, Loti n'a pas pris une ride. Ultime, il est encore intime.