Le monde de la photographie, du grand reportage, des médias traverse une des plus
graves crises de son histoire. A la baisse de diffusion, au refus des internautes de payer
pour du contenu, aux restrictions budgétaires, s'ajoute la disponibilité de centaines de
millions d'images d'amateurs quasi gratuites. Les agences de presse sont en perdition
et nombre de photojournalistes professionnels expérimentés et exigeants sont
contraints de se rabattre sur les sujets «people» qui semblent seuls faire vendre
encore du papier.
A ces difficultés économiques s'ajoute une crise de confiance majeure dans la valeur
de témoignage du cliché photographique. Avec sa nouvelle forme numérique et les
logiciels de manipulation d'image à la disposition de tous, les falsifications sont faciles
à réaliser et indétectables, jetant le doute sur la validité du cliché photographique
en tant que preuve irréfutable, tant dans le domaine judiciaire que politique.
Dans cet ouvrage, paru aux Etats-Unis en 2009, Fred Ritchin apporte des réponses à
ceux qui se demandent où va la photographie. Il décrit l'influence de la révolution
numérique sur notre vision du monde et son rendu photographique tant par
les amateurs que par les professionnels et revient sur l'évolution des pratiques de
manipulation des images dans les médias qui révèle une confusion entre monde réel
et "réalité" virtuelle. L'auteur ouvre également une multitude de pistes de nature
à transformer en richesse ce qui risquerait sinon de nous appauvrir. Les liens hypertextes,
par exemple, offrent d'immenses possibilités de dialogue et d'enrichissement
mutuel d'un cliché mis en ligne. Le banal cadre des photos pourrait être transformé en
un «puzzle» donnant accès à de multiples voix contradictoires qui enrichiraient la
valeur informative de l'image et par là même lui permettrait de retrouver son degré
d'authenticité.
Fred Ritchin nous lance, dans cet ouvrage érudit et mûrement réfléchi, le défi
passionnant d'imaginer ce que va devenir la photographie. Défi que nous devons
relever sans plus attendre si nous voulons continuer à maîtriser les images que
nous produisons en quantité exponentielle au lieu d'en devenir les esclaves
serviles plus ou moins décérébrés.