Excessive, la femme ? De l'Antiquité à nos jours, il semble que
le stéréotype ait la vie dure. Forcément pécheresse - et ce depuis
Ève et Pandore -, intempérante, elle est la cible idéale de toutes
les sortes d'addictions. Gourmande, voire goulue, priseuse, voire
fumeuse, buveuse, voire ivrogne, droguée, voire toxicomane,
la femme semble destinée à succomber à toutes les tentations.
Elle est toujours la proie et la victime de désirs, de passions, de
manies. Le jugement de la société à l'égard d'une femme «addicte»
est généralement bien plus sévère que celui porté sur l'homme,
eu égard à ses multiples rôles sociaux de fille, d'épouse, de mère...
Ignorée par la gent masculine, la variable féminine n'entre guère
dans les statistiques de la consommation. Pourtant, de Catherine
de Médicis, qui adorait priser, à la marquise de Pompadour, fondue
de chocolat et de champagne, en passant par Colette, George Sand
ou Kiki de Montparnasse, qui s'adonnaient à la fume, à la morphine
ou à la cocaïne, comme à l'alcool, se dessine une histoire de
la consommation au féminin, qui participe d'une conquête de
l'espace public et d'une lente prise de conscience de la «condition
féminine». S'esquisse aussi, par antinomie, une histoire de la
tempérance, des femmes abstinentes aux ligues de vertu.
Renouvelant ici l'histoire des femmes et des mentalités, Didier
Nourrisson se penche, de la Renaissance à la société consumériste
des années 1960, sur la réalité sociale du sexe dit faible, sur ses
désirs d'émancipation et d'évasion, ses doux objets de péché et la
mise en image de ses excès par les peintres et les publicitaires.