Avant demain
Les philosophes continentaux ont-ils aujourd'hui rompu avec Kant ? Se sont-ils finalement rangés au darwinisme mental des cognitivistes ou au totalitarisme mathématique des « réalistes spéculatifs » ? Une attaque radicale des structures de la connaissance supposées inébranlables depuis la Critique de la raison pure est bel et bien à l'œuvre. Arbitraire, la synthèse a priori, discutable, la finitude de la connaissance, improbable, la nécessité des lois de la nature établie sur la seule corrélation du sujet et de l'objet. Abandonner le transcendantal : tel semble être devenu le mot d'ordre de la pensée postcritique du XXIe siècle.
Des questions que l'on ne croyait plus possible de poser ressurgissent avec une vigueur renouvelée : Kant peut-il vraiment soutenir la différence entre a priori et inné, déduire les catégories et non les imposer, cesser de nier la contingence qui fait vaciller l'édifice de la raison ?
Dans le mouvement d'une analyse précise et singulière, Catherine Malabou élabore les réponses de Kant à sa postérité. En inscrivant l'épigenèse au cœur de la raison, Kant peut parfaitement soutenir le dialogue avec les scientifiques contemporains. Sa pensée de la contingence se révèle beaucoup plus radicale que celle qui, affirmant que le monde peut changer à tout moment, n'y change finalement rien. Sans revenir aux vieilles lectures et au-delà de tout débat stérile entre idéalisme et réalisme, Avant demain soutient l'hypothèse d'un transcendantal transformé, vivant, annonciateur d'un nouveau temps.