Ce livre aborde un terrain plutôt méconnu en sciences humaines et sociales, celui de l’émigration française. En s’intéressant à cette expatriation au Canada, notamment dans ses grandes villes anglophones comme Toronto, on se rend compte que ce pays est souvent perçu comme jeune, dynamique et bilingue. A priori, ceci semble garantir aux migrants francophones à la fois le dépaysement et la possibilité sécurisante de recourir au français dans la vie de tous les jours. Même si la découverte de la réalité anglo-canadienne réserve des surprises, il n’en demeure pas moins que les compétences linguistiques y sont souvent considérées comme un bien, une marchandise, voire un atout. Dans cette optique, la langue procure aux migrants de nouvelles perspectives d’emploi et même parfois un certain pouvoir dans les nouveaux cercles auxquels leurs parcours ouvrent les portes. Simultanément, mais quelque peu paradoxalement, la capitalisation du français, langue d’origine, impose à ces migrants des contacts accrus avec l’anglophonie et avec les Canadiens allophones. Ces contacts sont tout autant linguistiques que sociaux, ce qui met en relief l’importance des aspects langagiers dans les processus de construction et d’affiliation identitaires en situation de migration. S’appuyant sur des principes constructivistes, ce livre pose les questions de la rétention des identités d’origine, de l’éventuelle convergence vers la culture majoritaire anglo-canadienne, des attitudes vis-à-vis du multiculturalisme et de l’apprentissage de l’altérité. Et posant un regard anthropolinguistique sur ces Français de l’étranger, l’ouvrage analyse les formes variées d’affiliations ethno-culturelles, y compris le choix fréquent d’une identification désethnicisée.