Faut-il avoir un idéal pour être heureux ?
Pour répondre à cette question, n'hésitons pas à affronter nos
ambivalences. D'un côté, nous envions ceux qui vivent pour leur
idéal et n'ont crainte de proclamer qu'ils ont trouvé un sens à
l'existence ; de l'autre, nous sommes assez soulagés de voir que
notre propre vie n'est pas envahie par cet encombrant compagnon.
Et pour cause : la notion d'idéal suppose un engagement total qui a
de quoi intimider. Et nous ne pouvons oublier non plus qu'en son
nom ont prospéré les pires totalitarismes du XXe siècle...
Pourtant, l'idéal est décisif pour la vie psychique. Il vient du
plus profond de notre nature, il nous pousse à nous dépasser et,
plus encore que l'émotion ou la capacité de communiquer, il signe
notre humanité. D'où vient alors qu'il puisse être si destucteur ?
Est-ce un bon ange ou un démon ?
C'est à visiter cette notion controversée sur les plans psychologique
et philosophique que s'attache ce livre, mais aussi à proposer pour
aujourd'hui une autre manière d'être idéaliste, moins toxique,
plus sage que par le passé. À l'issue de cette exploration, il se
pourrait bien que nous soyons mieux à même de réconcilier en
nous ces deux frères ennemis que sont l'aspiration à l'idéal et la
nécessaire implication dans la réalité.