Qu'on les réduise à d'abstraites stratégies ou qu'on les
attribue à l'incurable cruauté des hommes, les batailles
n'en ont pas moins façonné l'histoire de France. On
en retient volontiers les triomphes et l'évidence d'une nation
toujours égale à elle-même, au risque d'ignorer les incertitudes
et les souffrances de ceux qui en furent les acteurs. L'éventualité
de la défaite ne confère-t-elle pas tout son prix à la victoire, et la
tyrannie de la peur toute sa valeur au courage ? Avec l'intensité
dramatique qui les caractérise, ces instants de guerre donnent
à comprendre le réseau des structures sociales, culturelles et
politiques qui parcourent les armées et, au-delà, le royaume,
l'empire ou la république. Toutes les batailles furent une réinvention
de la France, une brutale soumission des mythes à l'épreuve
du feu, depuis le temps où l'âme de la guerre résidait dans la
chevalerie jusqu'à la constitution d'une armée de la nation. Cette
succession de violentes convulsions forme une histoire plus qu'un
destin, une histoire de chair et de papier, d'encre et de sang.