Et si la bille était le premier mot que nous jetions au monde,
matière et mouvement, à la fois lancé et parcours ? Et si ce premier
mot, comme celui de l'enfant, originel, avait porté le monde
entier, qu'advient-il de lui-même, de ses conquêtes et de ses
échos lorsqu'il se disloque et se répand ? Deux paroles en miroir.
Parfois elles soliloquent, se répondent, se font face ou s'évitent.
Parfois, elles chantent, empruntent des chemins de traverse,
reviennent à l'enfance de la langue, s'amusent ou se fondent en
mots désenchantés. Billes, dans une langue à la fois simple et
mystérieuse tant elle nous révèle un monde extra-ordinaire, raconte
une marche, celle du langage à ses frontières, porté par un être
fragmenté dont les deux entités s'articulent tantôt violemment, tantôt
de façon harmonieuse mais toujours au seuil, «au seuil infini que
chaque pas renouvelle».
Catherine Ysmal