Antonio GAMONEDA (Espagnol)
J'ai écrit Blues castillan entre 1961 et 1966. Il a été publié tardivement et peu distribué, il est passé presque inaperçu.
Blues castillan a à voir avec une certaine manière de penser le monde (« nous traversions les croyances » allais-je dire des années plus tard), et, surtout, avec la volonté de transformer en poèmes des événements et des états d'âme qui ont dominé ma vie pendant trente ans. Il comporte le récit de faits devant lesquels - ou dans lesquels - la souffrance est une affaire naturelle ; j'y parle à voix basse d'un certain espoir (issu, peut-on supposer, de ces « croyances ») et il est - il m'importe beaucoup de le dire - une forme de consolation.
Blues castillan a des antécédents qui ne sont pas ceux que reconnaissaient mes contemporains. J'ai écrit ce livre dominé par deux forces poétiques qui se sont avérées peut-étre d'autant plus vigoureuses et actives en moi que, mal connues, à peine pressenties au début, j'ai dû les élaborer à partir de mon ignorance et les faire se développer en moi pour que cette ignorance puisse comporter quelque chose qui fût de l'ordre de la création.
Ces deux forces étaient le poète turc Nazim Hikmet et les paroles des chants nord-américains à l'origine du jazz : le blues et le spiritual.
J'ai écrit (et traduit) des spirituals en castillan, et j'ai passé dans ma langue Nazim Hikmet. Sans ce travail, je crois que Blues castillan n'aurait jamais existé.