Boswell (1740-1795), auteur réputé d'une imposante Vie de Samuel Johnson, mérite à bien d'autres titres d'être célébré. Ses volumineux « papiers », depuis peu accessibles, permettent de dresser le portrait d'un homme franchement étonnant, dont l'exorbitance des comportements fascine et captive. Quel avocat voulut-il jamais, comme lui - faute de pouvoir établir son innocence - ressusciter après pendaison un client malheureux ? Né en Écosse, il parcourut l'Europe, fréquenta Voltaire et Rousseau, coucha avec Thérèse, rendit visite à Paoli au moment où s'organisait la résistance corse à la France. Ardent défenseur de ceux qui, dans les « provinces », menaient leur guerre d'indépendance, il dénonça avec une paradoxale énergie les « barbares horreurs » de la Révolution française. Sa rencontre avec Johnson fit de lui un biographe. Mais son Journal est plus que la Vie : y sont consignées les humeurs changeantes d'un grand mélancolique et les affriolantes confessions qui font de lui un Casanova écossais, un Don Juan venu du froid; mais un Don Juan à scrupules : l'hypocondrie, ou la rançon du plaisir. Époux infidèle, père imprévoyant, ivrogne impénitent, ardent jouisseur sous l'œil improbateur de Calvin... Boswell - franchement insupportable et tout à fait attachant - vaut la rencontre.