Si l'immense pâtissier Auguste Jullien a donné en 1845 à l'un de ses gâteaux le nom de Brillat-Savarin, si le génial Androuët désigna du même patronyme l'un de ses éminents fromages, cela illustre sans aucun doute combien l'auteur de la Physiologie du goût fait partie de notre patrimoine gastronomique. Mais au-delà des fromages et desserts, il convient de faire un pas de plus pour découvrir l'homme qui incarne si pleinement cet art de vivre à la française. Pour ce faire, lisons cette biographie légère et enlevée écrite par Marcel Rouff à l'occasion du centenaire de la mort du grand Sybarite.
« La Physiologie du goût n'est en somme qu'un livre de mémoires. Il y a là l'ancien régime et ses moeurs, l'émigration et ses misères, l'Empire et son fracas, la Restauration et ses fautes, il y a surtout le sourire indulgent d'un homme qui, ayant vu s'écrouler les régimes, s'évanouir les systèmes et les convictions, avait gardé, au fond d'une résignation désabusée, l'idée que seuls les instincts sont éternels et, parmi ceux-ci, l'instinct de subsister en tout premier lieu ! Comme cet homme avait du goût, comme il avait été formé par une tradition essentiellement raffinée, il finit par penser que ce besoin de se nourrir devait être transformé, comme les autres, en volupté, ce qui est en somme la marque la plus certaine et la conquête la plus sûre de la civilisation ».
On trouvera également en annexes à cette publication les fameux vingt aphorismes de la Physiologie du goût ainsi qu'un portrait que Balzac a consacré à Brillat-Savarin en 1812.