Traversé par de multiples contradictions, s’inscrivant au cœur de ce vingtième siècle si tourmenté, le parcours humain et intellectuel d’Emil Cioran est, aujourd’hui plus que jamais, l’objet de débats passionnés. Car Cioran est l’homme des décalages, sinon des paradoxes : on le dit nihiliste, pessimiste, sceptique, misanthrope, etc. ; et pourtant, ses essais, ses aphorismes ont quelque chose de tonique, de revigorant, de thérapeutique, pour ainsi dire... En somme, un goût certain pour l’inachevé, une quête à jamais renouvelée... Et, par conséquent, une multiplicité de facettes à explorer.
Or, c’est à une telle exploration que ce numéro des Cahiers de l’Herne veut inviter le lecteur. Celui-ci y pourra découvrir un ensemble de documents extrêmement varié , allant du jeune auteur roumain assoiffé d’absolu et impliqué dans les débats politiques, ou de l’écrivain français cultivant le retrait, et éprouvant les rigueurs du style comme une ascèse susceptible de le délivrer de lui-même. Les très nombreux textes inédits de Cioran – dont certains historiques – d’origine, de forme et d’époque diverses –, nourrissent d’autant plus l’approche qu’ils mêlent à des analyses de fond des anecdotes et des souvenirs qui sont, en eux-mêmes, riches d’enseignements. À cela, s’ajoute un très riche choix de correspondances inédites qui éclairent d’un jour nouveau l’écart existant entre le « penseur » et l’« homme » Cioran, ces deux facettes d’un même être singulièrement divisé, pour ne pas dire : écartelé.