si je vous dis que je suis celui dont on ne veut plus
celui qui parle pour dire ce qui est interdit
si je vous reproche de m'avoir chassé
puis fusillé
comprendrez-vous
je suis ce mort insupportable
ce mort qui croit à la prestidigitation
à la non-fuite-du-temps
ce mort terrible à qui l'on ouvre les yeux
à qui l'on crache dans la bouche quand son visage tombe et [tache la chaussée
écrasé sous les milliers d'hommes qui retournent chez eux après les grandes querelles
c'est ce que veut celui qui me voit de loin
celui qui n'ose franchir l'au-delà qui nous sépare
je dis l'aveugle vivant dont le regard ne voyage pas
que m'importent ses insultes
que m'importent les sucs dont se charge la feuille verte
restent l'épine et le dard de l'abeille déjà sèche
le miel sauvage qui monte
des veines brûlées du mort
je suis ce mort dont on se rit
ce mort dont la langue
continue de saigner