Cauchemar en URSS
« Il est patent que Staline dispose de moyens efficaces pour faire avouer n'importe quoi à n'importe qui. Il est constant que Staline se débarrasse de tous ceux dont l'existence le gêne sous n'importe quel prétexte. Les pires adversaires de Trotski ont été taxés de trotskisme ; les plus inoffensifs politiciens, de terrorisme ; les dirigeants de l'industrie, de sabotage ; les chefs de la police, de crimes de droit commun. Maintenant, les militaires sont taxés d'espionnage et de trahison. C'est pour ainsi dire dans l'ordre - un ordre un peu spécial. Mais le procédé ne peut tromper que les dupes volontaires. »
Après la parution de son Staline - Aperçu historique du bolchevisme (1935), Boris Souvarine (1895-1984), l'un des principaux fondateurs du Parti communiste en France mais aussi l'un des premiers antistaliniens, publie dans la presse aussi bien d'amples analyses des procès de Moscou que des chroniques où il s'interroge sur la logique de cette tragédie pseudo-judiciaire qui voit les accusés s'accabler de tous les maux avant leur exécution. Au-delà de la mise en scène spectaculaire de ces procès, c'est bien l'ampleur de la répression dans toutes les strates de la société soviétique que permettent d'entrevoir ces purges au sommet de l'État-Parti et de l'Armée. À mesure que s'enchaînent les condamnations, Souvarine établit que le mensonge généralisé, aussi déconcertant soit-il, constitue dorénavant le fondement d'un univers politique où 2+2 n'est plus égal à 4 - comme l'exprimera quelques années plus tard George Orwell.