«Ce n'est pas ici l'histoire d'une mort mais celle de notre vie,
une histoire comme toutes les autres histoires, jamais la
même, toujours la même, histoire d'amour et de son cours,
flux et flonflons. Il y avait du régal dans mon regard et dans le
sien, également, à égalité, quand agrippé à la rampe il a difficilement
emprunté l'escalier. Autrefois il aurait dit, en arrivant
en bas, comme une meneuse de revue couverte de strass,
«l'ai-je bien descendu ?» Là, il vient de plonger dans mes
bras, était-ce un cri ou un rire, que voulait-il dire ?, un mot
s'était bloqué dans sa gorge. Il a répété, «ça va, laisse-moi».
Petit à petit il s'est détaché de moi, assurant chacun de ses
pas, levant douloureusement les bras pour l'équilibre du
funambule. La musique le tenait debout.»
S'il est ici question de perte, de maladie et de mort, Ce sont
amis que vent emporte ne peut être réduit à cette seule dimension,
tant la force de l'amour et le pouvoir de l'art y occupent
aussi une place de choix. Ce clair-obscur inattendu dans un
texte consacré à la mort fait de ce roman l'un des plus beaux
et certainement l'un des plus émouvants qu'Yves Navarre ait
écrits.