Accéder à une autre idée de l'homme, une idée fondée en vérité, l'Homme générique,
telle est l'entreprise que poursuit François Laruelle, interrogeant et cherchant à dépasser
le discours philosophique enchâssé dans le long héritage de la théologie. Pour sortir
de la gangue des croyances et accéder à l'Homme générique, il propose un pas de plus :
«Si le christianisme est la religion de sortie des religions, Christ est la sortie hors du
christianisme lui-même. [...] Achevons cette insurrection.» Que dit le Christ - le Christ
non légendaire, non représenté par les diverses interprétations théologiques, «mal discernable
dans son milieu juif par ses paroles grecques» - de l'Homme générique ?
François Laruelle nous engage à sa suite dans une aventure de pensée qu'il appelle
Christo-fiction, à mille lieues des sentiers conceptuels et exégétiques familiers.
À sa manière, il reprend à son compte la démarche qui avait été celle des
gnostiques (combattus par l'Église), qui cherchaient à fusionner les «simples» et
la connaissance qui sauve dans la vérité d'une fiction. Il fait acte de foi et entend
témoigner par une «fiction rigoureuse», fidèle et fondée en science, «produisant
ses axiomes et ses règles au fur et à mesure de leur investissement», d'une vérité
de l'homme. Une vérité qui prend appui sur un savoir scientifique, en l'occurrence
tout l'apport de la physique quantique et en particulier le principe anthropique.
Puisque des êtres sapients, les hommes, existent, l'univers est nécessairement
compatible avec leur existence. Ce qu'ils peuvent s'attendre à observer de l'univers
est nécessairement compatible avec les conditions de leur existence d'observateurs.
Philosophie et théologie ne suffisent pas pour penser le Christ-en-personne,
tout au plus permettent-elles de penser les croyances qui lui sont attachées.
François Laruelle renouvelle donc l'approche gnostique en introduisant la physique
quantique comme science-pilote, mais réduite à une modélisation du message
du Christ, qui est irréductible à Logos et à Torah. Il s'agit de former et transmettre
le nouveau message de salut à l'humanité générique. «La christo-fiction
ainsi engendrée témoigne d'une insurrection spirituelle plutôt que d'une "révolution
culturelle". L'Église s'étant constituée sur les bûchers de la gnose, il est temps
que la gnose renaisse de la mise à nu du christianisme par le Christ même. C'est
un livre de combat.»