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La lanterne des intellectuels est bien falote. La critique des pouvoirs entretient aujourd'hui un refus systématique des idéaux : il n'est plus question de transformer le monde mais seulement de résister à l'Histoire. Les politiques en ont tiré la leçon. De droite ou de gauche, ils se méfient de l'avenir. Gérer, disent-ils, mais surtout ne plus vouloir — ni le bien pour l'humanité, ni même le bien-être pour les citoyens. La volonté ne dispose plus à exercer le pouvoir et c'est à la foi qu'on préfère s'en remettre. En témoigne l'apostolat nouveau suscité par le mythe libéral d'une société qui, abandonnée à elle-même, produirait le meilleur. Religion de la famille, célébration d'une morale sans utopie, culte de l'intimité. Comment la politique ne se résignerait-elle pas à sa douce fin ? En quête d'un nouvel espace public, pourquoi la démocratie ne renouerait-elle pas avec les vertus du conflit et de la délibération ? Inattendues, des prises de parole, massives et débridées, viennent en renfort pour manifester qu'il n'est pas de société sans la détermination de valeurs collectives, sans la formulation d'un idéal commun. Il faut penser autrement cet individualisme qui paraissait essouffler la société et faire décidément l'éloge de la volonté.