À Saïgon, les enfants de la rue m'appelaient «Maï Côn»,
«Petite Fleur du Têt», ou, plus simplement, «Fleur». Ces
enfants étaient Amérasiens. Il y avait Thuy, Huy, Heck ou Maï.
Une autre «Fleur».
Durant toutes ces années, je les avais vus grandir, près du
port. Ils vendaient des noisettes et des cigarettes étrangères (le
prix d'un paquet de ces dernières équivalait au salaire mensuel
d'un fonctionnaire). La plupart d'entre eux vivaient avec leurs
mères, qualifiées de prostituées par certains, mais qui, pour leur
honte, avaient eu un enfant avec un soldat américain.
Le seul rêve à jamais inachevé de ces enfants, était de
retrouver ce père, héros lointain, devenu légendaire. Ils se
préparaient à ce départ mythique, apprenant un pauvre anglais
de marchandage.