Tout est bien dans les chroniques d'Anne David, ses questions,
ses colères, ses amitiés, et ce qu'elle écrit du grain de sa vie. Le
chat, le toit, le neveu, le café où elle s'astreint à se rendre tous les
jours avec son ordinateur, la guimauve que le garçon pose sur la
soucoupe depuis qu'il sait qu'elle est au chômage. Parce que c'est
lui, le chômage, qui fait d'elle l'observatrice impitoyable de sa
propre existence et alimente ses chroniques. « Le travail est un
banquet joyeux et débonnaire », écrit-elle. Et « le chômeur n'est
pas un convive légitime ». Mais ce qui manque lui ouvre le champ
de toutes les autres légitimités, à commencer par celle d'écrire.
Tout ce travail qu'elle s'invente alors... Si différent de « l'emploi »,
ce concept absurde dont elle décortique l'inanité et auquel il faudrait tout consentir. « J'accède à l'état paradoxal des intermittents,
des artistes, des indépendants : j'ai trop de travail pour gagner de
l'argent. Ici, les questions alimentaires prennent une place existentielle. Comment payer les factures ? » Les chroniques d'Anne
sont une petite école de la liberté, qui serait si enviable si le prix
n'en était pas si démesuré.