«J'ai grandi sur le rivage de la mer, moi, de la mer grise et froide du Nord, dans
une petite ville de pêche toujours battue par le vent, par la pluie et les embruns,
et toujours pleine d'odeur de poisson, de poisson frais jeté sur les quais, dont les
écailles luisaient sur les pavés des rues, et de poisson salé roulé dans les barils, et
de poisson séché dans les maisons brunes coiffées de cheminées de briques dont
la fumée portait au loin, sur la campagne, des odeurs fortes de hareng.
Je me rappelais aussi l'odeur des filets séchant le long des portes, l'odeur des
saumures dont on fume les terres, l'odeur des varechs quand la marée baisse, tous
ces parfums violents des petits ports, parfums rudes et senteurs acres, mais qui emplissent
la poitrine et l'âme de sensations fortes et bonnes.»
Maupassant, extrait de Pêcheuses et guerrières,
chronique parue dans Gil Blas, le 15 mars 1887.