La philosophie de l'art sans histoire de l'art est vide, l'histoire
de l'art sans philosophie de l'art est aveugle. L'art est fait
non seulement d'oeuvres, mais aussi de mots pour les dire, de
concepts pour les distinguer et de théories pour les penser.
Le Grand Siècle est marqué par l'invention décisive de la
catégorie moderne de beaux-arts, qui rassemble dans un
sous-ensemble inédit les arts visant le beau. Au sein des
académies s'opère alors une reconfiguration des mondes
de l'art et du statut de ses acteurs, mais aussi un développement
remarquable de la réflexion théorique sur les arts.
À la métaphysique du beau des Anciens succède une manière
moderne et toute sensible de penser la beauté, qui délie celle-ci
du bien comme du vrai. L'invention du goût comme sens
du beau en est la conséquence directe, et celle du sublime
- qui accueille toute la transcendance perdue par la beauté -
sa conséquence indirecte. La critique d'art (Diderot), l'histoire
de l'art (Winckelmann) et l'esthétique (Baumgarten) peuvent
alors voir le jour.