Renouvelant le concept même de la musique - comme Mallarmé et Cézanne réinventent la poésie et la peinture -, Claude Debussy occupe une place sans égale dans son temps, à la jonction des XIXe et XXe siècles. Face à la musique trop apprise, aux formes figées et imposées, à la syntaxe sclérosée, il prône le jeu, la musique instinctive, le naturel et la liberté, la primauté de la sensibilité et de l'oreille sur la vaine spéculation d'une musique «pour le papier».
Ce livre s'efforce de présenter le musicien français comme un être entièrement habité par la musique. Pour ce faire, il interpénètre éléments biographiques, esthétiques et techniques, a recours à de nombreuses analyses et à près d'une centaine d'exemples et de schémas permettant de sonder les formes et structures debussystes, la polychromie des timbres, la densité de la texture, les résonances, les reliefs et les volumes du langage pianistique, vocal et orchestral.
A travers Debussy et son œuvre se pose le problème crucial de la création artistique chez un compositeur confronté au poids des conventions, au désir obsessionnel de se renouveler, voire de se désengager de sa propre musique. L'impressionnante nouveauté et les nuances subtiles du style debussyste ne seront véritablement dégagées qu'au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Le changement du «devenir» musical imposera alors sa marque à plusieurs générations de compositeurs, d'Olivier Messiaen à Pierre Boulez, de Maurice Ohana à Toru Takemitsu.