Je ne lis pas Claudel, j'y assiste. J'y marche, j'y mange, j'y grimpe, j'y nage. Claudel n'est pas un auteur, c'est un milieu, un biotope intérieur. Je suis face à lui, carnet en main, comme devant une éruption ou une crue. J'ai avec Claudel les mêmes rapports qu'un vulcanologue avec son cratère : j'en fais le tour, effectue des prélèvements, me penche un peu, l'inhale. Un colossal spectacle naturel.
J'aime Claudel comme Claudel aimait la Bible. Voracement, méticuleusement. Je suis après lui comme le ventre après le pain, la vache après son pré. Il ne me gave pas, mais me repaît d'appétit. Je ne l'aime pas de loin ni par morceaux, mais en bloc et cul sec. J'ai toujours un Claudel sur moi, comme une gourde ou un vaccin ; toujours un Claudel sur moi pour y mordre, le boire ou me l'injecter. M'offrant de grandes overdoses de certitudes jubilantes. »