Je suis l'homme à tout faire du Président, son valet de chambre,
son valet de pied. Je ne suis pas un cador, mais il suffit qu'il me
siffle pour que j'accoure, qu'il me jette pour que je m'évanouisse,
qu'il baisse le pouce pour que je m'exile.
Je suis le souffre-douleur, le paillasson, la carpette, j'ai vocation à
faire tapisserie, à ce qu'on me marche dessus. Mais rien de ce qui
se dit à l'Élysée, rien de ce qui s'y prépare, rien de ce qui s'y
manigance ne m'est étranger. Je suis là pour parer les mauvais
coups, les flairer, les monter.
On me croit condamné à une vie de soumission, on se trompe, je
suis un homme de mission. Mille fois, mon Nico a failli périr, mille
fois j'ai fait barrage.
Aujourd'hui, alors que le suffrage universel menace, il me revient
de dire toute la vérité sur son règne. Il faut dissiper les ombres,
révéler les pièges, narrer ces complots invisibles, mais
incessants, fomentés au coeur du Palais et que j'ai dû déjouer.
Dussé-je y perdre la raison et ma réputation.
Paul Scarron