Essai sur la représentation
Le chimpanzé ouvre une coque de noix avec une pierre ; le héron découpe de petits morceaux de branches pour appâter les vairons ; les singes vervets ont un cri d'alarme différent selon que le danger vient du ciel ou de la terre ; les gravelots feignent d'avoir l'aile brisée pour écarter les prédateurs de leur nid ; les abeilles indiquent par leurs danses où aller butiner le nectar...
Les animaux ont-ils donc une «âme» ? Sont-ils conscients ? Se représentent-ils même le monde ? A ces questions, récurrentes en philosophie, Montaigne répondait positivement, affirmant que les bêtes «ont un discours au-dedans qui les rend disciplinables et involontaires à apprendre» ; cependant que Descartes défendait l'existence d'une coupure entre le règne humain et le monde animal, posant qu'à l'animal le plus habile manquera toujours la pensée, dont l'homme le plus set sera toujours doté.
Ce débat sur le continuisme entre l'animal et l'homme, Joëlle Proust le reprend à la lumière de ce qu'aujourd'hui la biologie la psychologie expérimentale, la neurophysiologie ou l'éthologie cognitive révèlent sur le fonctionnement du cerveau et les formes de comportement présentes dans la nature. Au terme d'une interrogation philosophique sur les conditions naturelles de l'esprit, elle définit à nouveaux frais la genèse du mental - cet ensemble modeste de fonctions qui permettent à un organisme d'extraire et d'utiliser de l'information pour en faire un usage de connaissance : l'esprit vient dès lors que s'opère la distinction entre l'intérieur et l'extérieur, entre l'expérience et son objet et que la représentation s'affranchit de la corrélation entre des états internes d'un organisme pour signifier des états du monde. Une définition qui conduit notamment à repenser nos obligations morales et juridiques à l'égard des animaux pourvus d'un esprit.
Où la pensée prend-elle sa source ? Telle est somme toute, la question à laquelle répond cet ouvrage, bel exemple d'est dialogue exigeant et exigé entre la philosophie et les sciences.