La logique du devenir spirituel et le hasard, voilà, aux yeux de Jan Patocka, les deux grands facteurs complémentaires de l'histoire qui, à trois reprises, ont fait de la Bohême la scène d'événements mémorables dans l'histoire de l'idéal scientifique moderne. Cet idéal est celui d'une rationalisation totale du réel, et les protagonistes de cette histoire sont Johannes Kepler dont le nom est lié à la naissance de la physique céleste, Jan Amos Komensky qui contribua à la transformation de la «clé universelle» lullienne en mathesis universalis leibnizienne, et Bernard Bolzano, fondateur moderne d'une logique en tant que science théorique indépendante.
Ces six conférences, prononcées par le philosophe tchèque en 1965 a l'université de Louvain, ne visent pourtant pas seulement à poursuivre «l'évolution de l'idéal scientifique moderne à travers les vicissitudes d'une situation spirituelle changeante» ; elles constituent en même temps une réflexion approfondie sur le passé de la Bohême et sur les notions aptes à le comprendre. C'est dans cette perspective que Patocka soulève la question de savoir si le concept moderne de nationalité, tel qu'il fut élaboré dans la lignée d'un Herder, est applicable à l'évolution d'un ensemble historique aussi complexe que le passé de ce pays.