L'idée s'est largement répandue que le sort de la paix est étroitement lié
au destin d'une civilisation mondialisée, uniformisée par la généralisation des
mêmes comportements face à l'information et à la consommation. La perspective
d'une extension planétaire de la rationalité scientifique et technique
inspire le sentiment que la paix serait devenue une affaire «postmoderne» ;
il est tentant de regarder cette perspective comme une sorte de fin de l'histoire
et de croire que la paix pourrait désormais s'administrer comme une
chose. Les adeptes d'un gouvernement mondial l'admettent à leur façon, en
ramenant la paix à un objectif productible par le moyen d'une homogénéisation
des besoins et des satisfactions.
Mais le XXIe siècle naissant voit apparaître une nouvelle combinatoire du
danger, de nouveaux types de conflits et de nouveaux déchaînements de violence.
La transformation de la guerre engendre des divisions sur la question
de la paix à l'intérieur de la civilisation occidentale, qui devient elle-même une
réalité à détruire par ceux qui s'en disent les ennemis. Fait nouveau : c'est au
moment où l'on prend conscience de la dimension culturelle de la paix, par-delà
sa dimension politique, que ses enjeux culturels deviennent tout autant
une arme de guerre qu'une arme... de paix.