Depuis plus d'un millénaire, au fil des siècles, s'est formée
«la langue française», dont l'usage ne s'est jamais limité au
seul territoire de la France. Langue officielle, langue de la
littérature, langue de l'école, mais aussi langue des locuteurs
ordinaires, largement plurilingues, en France, en Wallonie,
en Suisse romande, au Luxembourg, au Québec, elle est
aujourd'hui la langue maternelle de quatre-vingts millions
de personnes. Quand la France dominait l'Europe, le français
s'y imposait aux aristocrates, aux diplomates, aux intellectuels.
Comme la France, le français, au XXe siècle, a perdu
beaucoup de son empire. Sous sa forme étatique, administrative,
juridique ou judiciaire, il est souvent obscur aux Français
eux-mêmes ; son orthographe n'est maîtrisée que par
une minorité de ceux qui l'écrivent ; la fable de sa «clarté»
ne convainc plus personne. Pour autant, concurrencée par
l'anglais, bientôt par l'espagnol ou le chinois, la langue française
est-elle en danger de mort prochaine ? Certainement
pas. Elle n'a jamais été autant parlée ni écrite, en France
et dans le monde. Elle est diverse, multiple, elle change et
s'enrichit sans cesse. L'ensemble francophone manifeste une
créativité prometteuse. De Du Bellay à Proust et au-delà,
il n'est d'autre défense et illustration de la langue française
que de favoriser la «vie vertigineuse et perpétuelle» que
cache son «apparente immobilité». Son futur dépend de
notre désir et de notre liberté.